Recueil de témoignages sur l’occupation allemande

« Dans le café de mes parents, rue Barjot, nous recevions les allemands tous les vendredis soirs. Ils apportaient un jambon, et avec ma sœur, nous leur préparions l’omelette au jambon. Mais nous n’y avions pas droit. Toutefois, les allemands étaient corrects avec nous, et payaient l’addition. Ils demandaient que je chante avec ma sœur « J’attendrai ton retour ».

A côté de la maison vivait un voisin qui collaborait avec eux. Nous le redoutions, même si nous aimions bien son adorable petit garçon. Nous avions constamment peur, et nous avons appris à bien tenir notre langue. Les collaborateurs étaient prêts à dénoncer quiconque pour de l’argent.

Mon fiancé avait profité d’une permission pour ne pas retourner au Service du Travail Obligatoire (STO) en Allemagne. Il se cachait. Je portais ma bague de fiançailles depuis la veille de son départ, et les allemands me questionnaient pour savoir où il était. Je jouais la comédie, et pleurais, pour faire croire qu’il me manquait. En réalité, il était caché dans une ferme en Vendée. Le secrétaire de mairie de La Tessoualle lui avait établi une fausse carte d’identité, à partir de l’état civil d’un défunt. Il aidait ainsi beaucoup de jeunes réfractaires, au péril de sa vie, car il prenait le risque d’être fusillé.

J’ai épousé mon fiancé après la Libération. »

 

« Mon mari s’est fortement investi pendant des années dans la Résistance. Il avait 20 ans en 1939. Blessé de guerre, il s’était fait enrôler dans la Résistance pendant son hospitalisation. Quoique jeune, il avait déjà les poumons malades du fait de la guerre, et un genou blessé.

Il a participé activement à la libération de Mortagne-sur-Sèvre et de La Vendée. Il se rendait régulièrement à la brigade de gendarmerie de Saint-Maur -les-Fossés, pour organiser la Résistance. Les gendarmes de Saint-Maur venaient eux chercher du ravitaillement à Chavagnes-les-Redoux, à 10 km de Pouzauges.

Mon mari était à la tête d’un réseau de résistants vendéens. Il avait un ami très cher, Marius, qui fut malheureusement parmi les premières victimes. Marius faisait partie de la Petite Eglise, de culte protestant. Quand ses parents ont été prévenus, ils étaient en prière au Temple. Ils n’ont ni bougé ni bronché, à l’annonce de cette funeste nouvelle…

J’ai connu mon futur époux quand il organisait la libération de Mortagne-sur-Sèvre. Il était vendéen et s’est rapidement intéressé à moi. Si bien qu’un jour, il a demandé ma main à mon père, que l’on surnommait « Badinette », tant il aimait plaisanter. Fidèle à sa réputation de blagueur, mon père a répondu :

« - Que veux-tu faire avec la main de ma fille ? Tu la prends tout entière ou pas du tout ! »

Mon mari organisait la libération avec un corse nommé Muratti, qui lui aussi a épousé une mortagnaise. Je me souviens de l’accent prononcé de Muratti quand il disait :

« - Je m’appelle Muratti, c’est moi qui te l’a dit ! » (sic).

Mon époux, pensionné de guerre, a été honoré de plusieurs décorations pour ses faits de Résistance. »

 

« Les classes 44 et 45, dont je faisais partie, n’ont pas été appelées. Mais nous étions prêts et voulions partir pour combattre en patriotes ! Devenir des héros. Sauver la France.

Nous n’avons compris que plus tard, ce à quoi nous avions échappé… »

 

  « Au camp de Buchenval, un homme que je connaissais a vu son oncle s’écrouler. Il n’a pas pu s’approcher de lui pour le soutenir, sous peine d’être fusillé sur le champ. Il a été contraint de jouer l’indifférent et de masquer sa profonde détresse. »

 

« A la Libération, les résistants ont été chercher, chez elles, les filles qui avaient collaboré et couché avec les allemands. Elles étaient nombreuses et furent tondues sur le trottoir devant tout le monde. Elles étaient connues pour avoir dénoncé, moyennant une contrepartie financière, des permissionnaires au STO, qui n’étaient pas repartis en Allemagne. Elles ont du défiler dans les rues. Leur procès s’est tenu au tribunal d’Angers. Elles ont été condamnées à des peines de prison, suivies d’une interdiction de séjour sur Cholet. Et il valait mieux pour elles… »

 

«Nous habitions une propriété en Toscane, avec une écurie de chevaux de courses et d’animaux de boucherie, une « scuderia ». J’avais 15 ans. Papa et mon frère jumeau avaient quitté la propriété pour se cacher.

Les allemands occupaient la maison. Ils dormaient à l’étage sur le foin. Pendant la journée, ils descendaient vivre et manger au rez-de-chaussée. Mais ils nous respectaient et ne nous ennuyaient pas, excepté le fait d’insister pour savoir où étaient les hommes.

 

Une nuit, de la fenêtre de la chambre de mes parents à l’étage, nous avons assisté à un effroyable drame, ma sœur, ma mère et moi. J’ai vu les allemands ramasser six hommes dans une charrette, tirée par… un homme âgé. Ils se sont arrêtés devant des grands arbres, et ont saisi des cordes qui se trouvaient dans la charrette. Les hommes en sont sortis, et j’ai reconnu le fiancé et le père d’une jeune femme que je connaissais.

A grand renfort de signes, les allemands ont demandé au fiancé de faire un nœud avec la corde, d’accrocher la corde à une branche de l’arbre, et … de passer la tête dans le noeud. Le fiancé a bien compris qu’ils allaient participer à leur propre pendaison. D’un geste ample, il a bousculé les allemands en criant en italien « Mort pour mort ! » avant de prendre la fuite dans le noir. Je l’ai vu courir en zigzaguant pour éviter les tirs de balles, puis il a disparu dans une bouche d’égout.

Les allemands ont pendu six hommes en représailles. Aussitôt pendus, ils leur tiraient une balle dans la tête. Ils ont laissé le corps du père de la jeune fille que je connaissais, pendu à la branche d’un arbre sous une chaleur torride, en proie aux mouches. La nuit qui a suivi, d’autres allemands sont venus déguiser la dépouille pendue, avec un chapeau et des accessoires, pour trouver dans ce spectacle morbide et inhumain, d’ignobles sujets de moqueries. »

 

 

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Références:
  • Mission d'Ecrivain public pour le Pôle social de la VILLE de CHOLET
  • Auteur d'ouvrages institutionnels et privés
  • Animatrice d'ateliers d'écriture "Transmission et partage" en EHPAD